Vous randonnez souvent sur les mêmes itinéraires et vous avez envie de pouvoir sortir des sentiers battus et explorer de nouveaux horizons par vous-même, éviter les foules? On ne peut que comprendre, mais il faut savoir tout de même certaines choses avant de vous lancer!
Cet article vous aidera à connaître les principes de base.
Pourquoi être autonome en montagne? Pour être libre!
La raison principale est celle d'aller où on veut. Vous pouvez aller là où ça vous chante!!
Rallonger, raccourcir, changer d'itinéraire, faire un sommet ou pousser jusqu'au col, vous saurez vous débrouiller et ajuster votre itinéraire au gré des envies et des besoins.
Si vous vous engagez sur une randonnée, vous pourrez, en cas d'arrivée d'orages par exemple, faire un point rapidement sur votre environnement et voir où vous abriter, éventuellement raccourcir pour rentrer plus tôt. Vous aurez le luxe de vous "perdre" dans une vallée sauvage et faire la sieste au bord d'un lac loin des foules en plein mois d'août.
En plus d'aller où on veut, on peut aller quand on veut. On peut se permettre de sortir avec une météo incertaine si on sait quoi faire lorsque la pluie arrive, et on sait s'équiper pour. On n'est plus obligés de sortir uniquement lorsqu'un beau soleil brille, comme la grande partie des randonneurs.
On peut aussi aller avec qui on veut. Vous pourrez aller en randonnée avec n'importe qui. Peu importe si votre coéquipier de rando ne sait pas lire une carte, c'est vous qui gérez! Plus besoin d'aller avec des personnes expérimentées, c'est vous qui menez la danse! Vous pouvez même aller seul. Comme la plupart des gens, je préfère partager mes sorties en montagne en bonne compagnie mais savoir aller seul est une grande liberté!
Une question de caractère: savoir prendre des décisions
Tout le monde ne peut pas être autonome en montagne, tout le monde n'en a pas les moyens et tout le monde n'en a pas envie. Tout simplement car c'est une histoire de caractère. Il y a des meneurs et des suiveurs, des aventureux et des prudents. Et tant mieux! Si tout le monde était autonome, fini les endroits sauvages. Il y aurait du monde partout.
Avant de vous lancer dans l'aventure de l'autonomie, posez-vous la question de si cela correspond à votre tempérament.
A mon avis, le trait de caractère le plus important pour se lancer dans l'autonomie est celui de la faculté à prendre des décisions. Prendre des décisions en montagne est primordial pour la sécurité. La montagne comporte ses dangers qu'il ne faut pas minimiser. Le risque se calcule, lorsque l'on sent qu'on arrive à un seuil critique, il faut peut-être renoncer. Renoncer est une décision assez facile à prendre lorsque l'on est tout seul, mais accompagné, c'est plus difficile.
Vous serez amené à prendre souvent des décisions, est-ce que j'y vais, est-ce que je les suis, est-ce que je m'arrête au col, est-ce que je fais demi-tour, est-ce que je pousse jusqu'au prochain sommet. L'hésitation qui dure peut accroître le facteur risque.
Essayez également de ne pas vous laisser submerger par des peurs qui ne servent à rien.
Face à un danger, on ressent de la peur. La capacité à évaluer si sa peur est rationnelle ou irrationnelle est très importante. Par exemple, avoir peur d'emprunter un large chemin en balcon de falaise peut engendrer une peur irrationnelle, vous avez peur du vide mais il n'y pas de danger réel à cet endroit-là, car il n'y a aucune raison de tomber. Cette peur ne vous sert à rien, sauf à éventuellement vous faire perdre vos moyens et du coup, vous mettre en danger.
La peur rationnelle que l'on ressent lorsque nous sommes face au danger avéré est une bonne chose car elle fait partie de notre instinct de survie.
Différencier ces deux peurs est chose difficile car notre état psychologique du moment nous fait appréhender et interpréter ces peurs de manière différente.
Petite parenthèse pour ceux qui voudraient en savoir plus, la Méthode de Munter:
On sait que les accidents en montagne sont en majorité dus à des erreurs humaines, des randonneurs peuvent s'engager sur des terrains trop difficiles, ne savent pas s'orienter ou s'équiper. En sus, l'aspect psychologique de la personne est extrêmement importante. Les professionnels de la montagne et pratiquants confirmés connaissent la méthode de Munter. D'abord mise en place pour évaluer le risque d'avalanche en montagne hivernale, cette formule s'applique à toutes les activités ourtdoor, dont la randonnée estivale.
La méthode considère ces 3 variables:
Le terrain: est-il trop difficile pour moi? Ne vous surestimez pas
Les conditions: météo, période de l'année avec des jours plus ou moins long, etc
l'humain: vous. Dans quelle humeur et état psychologique êtes-vous? Avec qui êtes-vous?
Et on les transpose à 3 moments d'évaluation:
général: dans quoi puis-je m'engager en tant normal
local: ce jour-là, dans quel état est le terrain (glissant,), météo du jour
zonal: à un endroit critique ou passage clé
Pour en savoir plus, la théorie de Munter: https://www.anena.org/6014-la-formule-3x3-de-munter.htm
Les règles de base de l'autonomie
Quelques règles de base vous permettent de mettre toutes les chances de votre côté pour réussir vos premiers pas dans l'autonomie et continuer dans ce sens-là.
Ne pas mettre la barre trop haute pour commencer. Sortez de votre zone de confort petit à petit. Il y a un gros écart entre ce que vous pouvez faire lorsqu'on vous amène et lorsque c'est vous qui gérez.
Choisissez un itinéraire facile, soit conseillé par quelqu'un de confiance qui a compris votre projet, soit trouvé dans un livre de randonnée. Gardez de la marge par rapport à votre niveau. Par exemple, si vous êtes à l'aise dans des sorties de 1000 mètres de dénivelé dans le cadre de votre club, choisissez une sortie de 500-600 mètres de dénivelé pour votre première sortie carte à la main.
Prenez le temps de préparer votre sortie minutieusement. Lisez et relisez le topo, regardez à nouveau la carte, listez ce que vous allez trouver (cabane, forêt, sommet, marcherez-vous en rive gauche ou droite du torrent, etc...). Démarrez votre sortie en ayant une vision globale de l'itinéraire dans votre tête.
Choisissez un support sur lequel vous allez surtout vous appuyer. Application sur mobile, topo guide, carte IGN, peu importe mais vous devez en avoir une certaine maîtrise. Apprenez à lire une carte, la carte au fond du sac vous servira toujours.
Le jour J, au départ de votre sortie en autonomie
Vous avez bien choisi et préparé votre sortie, c'est à dire que la sortie n'est pas physiquement et techniquement trop difficile pour vous, vous en connaissez les éléments principaux (ça monte tant de dénivelé, puis c'est plat et ça remonte encore jusqu'à la cabane, etc...), vous voilà maintenant au départ. Les conseils suivants sont importants et vous permettront de réussir votre journée:
être en forme le jour J: mettez toutes vos chances de votre côté et soyez en forme lorsque vous allez en montagne, c'est à dire une bonne nuit de sommeil + un bon petit déjeuner + être prêt dans votre tête.
prendre de la marge: par rapport à la durée de la sortie et à la météo, prenez de la marge. Ne soyez pas ric-rac au niveau timing. Il faut toujours penser qu'un imprévu peut modifier le déroulement de la journée et rallonger la sortie.
l'eau: en avoir assez ou savoir où en trouver. Manquer d'eau et se déshydrater est traumatisant et dangereux. Cela dit, si cela vous arrive un jour, je vous assure que vous ne ferez plus jamais l'erreur! C'est une bonne idée que d'avoir des pastilles purificatrices d'eau ou une gourde filtrante.
ne rien oublier dans son sac. Quelque soit la durée de votre sortie ou la météo du jour, vous devez prendre à manger, une couverture de survie, une lampe frontale, une veste, une polaire, une petite trousse à pharmacie, une carte, une boussole, une casquette. Votre portable doit être pleinement chargé.
Pendant la randonnée, rappelez-vous de ces conseils
Etre autonome signifie être à l'aise avec ces principes:
vous pouvez vous égarer, mais pas vous perdre. Il est possible que vous vous trompiez de chemin ou que vous ayez un doute sur l'endroit exact où vous vous trouvez. En tant que professionnelle, cela m'arrive encore de temps en temps. Ce n'est pas grave et je dirai même que c'est normal. Ce qui est important, c'est de savoir quoi faire. Lorsqu'on a le doute, il faut s'arrêter, réfléchir calmement et observer. Prendre la carte ou le GPS, se poser, analyser la situation, et revenir en arrière ou trouver une autre option pour récupérer son itinéraire.
Le sens de l'observation. Il parait que des personnes ont davantage le sens de l'orientation que d'autre. Je ne crois pas du tout que cela soit vrai. Par contre, le sens qui fait la différence est celui de l'observation. Observer l'itinéraire lorsqu'on randonne est très important. Votre cheminement sera fait d'intersections, de raccourcis, d'abandon de chemin parfois pour une pause pique-nique etc... Vous devez imprimer dans votre tête tout ce que vous avez vu. Pourquoi? Car tout simplement, il faut que vous puissiez revenir en arrière, à n'importe quel moment. Et pour cela, il faut vous rappeler où vous aviez pris à telle intersection, où vous aviez quitté le chemin pour aller faire tel sommet, etc... Observer vous permettra de vous orienter et de savoir où aller, et si besoin revenir en arrière.
La règle des 3 mauvaises décisions. Des fois, des journées ont mal commencé, vous ne sentez plus la randonnée, vous avez oublié le pique-nique, et vous n'êtes plus trop sûr de si vous faites bien ou pas de continuer. D'un côté vous avez envie de faire le sommet mais d'un autre, vous voyez que c'est mal parti. Comment raisonner rationnellement dans des moments comme cela? Il existe des statistiques d'accidentologie en montagne qui disent que plus des trois quarts des accident en montagne arrivent après 3 mauvaises décisions. Exemple: vous avez préparé votre sortie et tout est prêt. Des orages sont annoncés dans l'après-midi, pour cela vous partez tôt le matin. Votre réveil n'a pas sonné et vous partez finalement avec 2 heures de retard. Vous y allez quand-même: première mauvaise décision. Votre gourde était mal fermée et vous avez perdu la moitié de votre eau. Malgré cela, vous continuez alors qu'il n'y a pas de point d'eau en cours de route et qu'on est en août avec une chaleur qui devient étouffante: deuxième mauvaise décision. Après le sommet (un peu tard vers 14h30), vous attaquez le retour et le mauvais temps rentre rapidement. Vous choisissez de raccourcir par un chemin que vous ne connaissez pas mais vous avez entendu que c'était plus rapide, vous pensez que vous allez trouver et vous vous y engagez rapidement, sans eau et avec un orage qui arrive: troisième mauvaise décision. Résultat: l'orage arrive, vous paniquez, vous ne connaissez pas le chemin, vous vous perdez, vous perdez vos moyens, vous tentez quand même par ce bout de forêt, c'est trop raide, vous tombez, et BAM! Vous êtes blessé! Vous appelez les secours au 112, ils ne peuvent pas arriver dans l'immédiat à cause de l'orage, vous attendez quelques heures sans eau, déshydraté. Connaître cette règle des 3 mauvaises décisions aide à savoir quand est-ce qu'il faut arrêter d'accumuler les erreurs qui mènent droit au mur. Ne dépassez pas 2 mauvaises décisions, Evidemment c'est une théorie qui a ses limites. Personnellement, je l'applique.
Pas de panique Monique! En montagne, on ne panique pas. Paniquer mène à l'accident. En cas de moment stressant, on s'arrête, on se pose, on se calme. puis on analyse la situation, on relativise et on prend le temps de décider une solution. Il faut éviter de faire la girouette et changer d'idée lorsqu'on prend une décision pour se sortir d'une situation compliquée. Une fois la décision prise, on la suit, jusqu'à preuve objective du contraire.
On ne suit pas les gens ni le balisage si on ne sait pas où ils vont! C'est évident mais ne l'oubliez pas! On suit un balisage si on sait où il va, et on ne suit pas les gens. Vous pouvez marcher derrière d'autres gens parce que vous empruntez le même itinéraire qu'eux mais pas parce que vous les suivez.
Tout ce qui se monte doit pouvoir se descendre. C'est plus difficile de descendre que de monter des parties techniques. Si vous montez un tronçon raide, en mettant les mains, (presque de l'escalade), assurez-vous de pouvoir ensuite le descendre. Si cela ne vous parait pas possible, alors vous devrez être sûr de pouvoir descendre par un autre itinéraire, sinon renoncez.
Suivez votre instinct. L'instinct puise dans les richesses de l'inconscient, fait de mémoire et d'expérience, faites-lui confiance! Votre expérience s'ancre en vous.
D'être au clair avec toutes ces règles vous aidera à bien débuter dans l'autonomie en montagne. Commencez petit à petit par des choses simples. Plus tard vous pourrez agir au feeling, en vous écoutant. Puis peu à peu, vous pourrez aller chercher la difficulté, l'endroit isolé, le sentiment d'exploration et la grande liberté, l'itinérance sur plusieurs jours, tout ce qui nous passionne pour la montagne. Bien se connaître est une sécurité, vous pouvez vous faire confiance. Savoir renoncer est une grande qualité, une preuve de modestie, la montagne aime les gens humbles. Elle vous le rendra!
Je propose en août un séjour autonomie: https://www.lilika.fr/séjour-autonomie
Il est complet. Mais vu l'intérêt observé pour ce genre de stage, sachez que mes futurs programmes en proposeront bien d'autres.
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